SABATIER Alix
Pseudonyme(s) utilisé(s) : Francis
Son action dans la résistance :
GORCE-FRANKLIN écrit dans ses souvenirs de Résistance :
« Nous avions dû abandonner les émissions radio en milieu urbain et trouver des emplacements dans les Régions moins fréquentées, difficiles d’accès aux alentours, faciles à surveiller pour observer les voitures de l’armée allemande de repérage radio « gonio ».
Mr PLUMET, pseudo Électre, nous conduisit dans la Drôme où une équipe de Résistants très bien organisés, sous la direction d’un officier d’active, Alix SABATIER pseudo Francis et sa femme, nous trouva de nombreux abris ainsi que les hommes nécessaires pour assurer la protection des émissions, le transport et éventuellement l’évacuation du précieux matériel qu’étaient pour nous les postes « ER », distribués avec parcimonie par nos amis Britanniques ».
C’est à ce titre que je me permets de relater la création de ce C.A. :
« Nous sommes le dimanche 30 septembre 1943, ce jour-là -là , nous fêtions le baptême de notre plus jeune fils (1 an). Pour cette circonstance, nous avions invité chez nous, au 20 rue de l’Hôtel de Ville à Crest, une quinzaine de membres de nos familles pour déjeuner, lorsque vers les 13 h 30 -14 h on sonne à notre porte. J’allais ouvrir, je me trouvais alors face à Charles CHAPOUTAT que je connaissais bien. Il me dit alors à voix basse : « Je viens vous demander si vous accepteriez, de rentrer dans un réseau de Résistance, si oui, vous seriez chargé d’organiser l’héberge – ment d’opérateurs radio, de leur sécurité et celles des émissions avec Londres, ainsi que du portage des messages vers eux que vous prendriez dans des boîtes aux lettres (BAL) que vous aurez à créer. Vous connaissez bien la région, cela peut vous faciliter votre tâche ».
J’acceptais spontanément sa proposition. Il me dit : « Bon, il y aura un engagement à signer, comme prévu, vous devez alors vous considérer mobilisé 24 h sur 24 h ». J’acceptais, je fus alors engagé comme agent P2 (sous-lieutenant) et immatriculé sous le n° 06250 (après avoir écrit 5 lignes, la 3e étant coupée en deux).
Je demandais à Charles CHAPOUTAT : « Quand dois-je commencer ? ». Il me répondit : « Dans trois jours, c’est-à -dire le mercredi 30 octobre 1943, à 8 h 30, rendez-vous à tel endroit, là où il y a une stèle surmontée d’une croix. Vous trouverez deux hommes qui se présenteront à vous en venant de ma part ». « D’accord » lui dis-je : « Je connais bien l’endroit ».
J’avais donc 2 jours devant moi pour trouver un premier abri. J’allais voir un ancien combattant, grand invalide de guerre de 14-18, à qui, en présence de sa femme (Mr. et Mme GRASSOT), je leur expliquais ce que j’attendais d’eux. Très vite, ils furent pleinement d’accord, heureux malgré les risques encourus de lutter contre le nazisme. Pour les « BAL » sur Crest, ce fut très facile, nous avions une cousine (Mr. et Mme DEJOUR) qui tenait une épicerie, toute disposée à rendre service. Son mari, ancien de la guerre de 14-18, était cheminot, il me renseignait sur le trafic ferroviaire de l’armée allemande. Une autre amie, Mme RAMA, tenait une autre épicerie, dans la foulée je contactais Mme BOCKEL tenant un Bar café puis Mr. FAURE, concessionnaire en machines agricoles. J’étais pourvu de ce côté-là .
Charles CHAPOUTAT m’avait mis au courant que, dès le 4 octobre 1943 au matin, un agent de liaison ferait tous les jours le trajet Valence-Crest soit 28 kms à vélo, pour m’apporter des messages pour les radios. Je devais donc le présenter à toutes les personnes servant de « BAL ».
Donc le mercredi 3 octobre 1943, comme prévu, j’étais au rendez-vous au lieu indiqué. Je trouvais les deux camarades en question qui se présentent : CANARD Marcel pseudo Henri et PERSOGLIO pseudo Victor. « Je vous conduis à votre hébergement, chez Mr. et Mme GRASSOT, à 4 kms d’ici à Chabrillan », à vélo ce fut vite fait. Ils furent accueillis très chaleureusement par Mr. et Mme GRASSOT. Je restais un bon moment avec eux, avant de les quitter ils me dirent : « Cet après-midi, on n’a rien à faire, alors on a décidé d’aller à Valence par le train ». Je leur dis : « En tant que responsable de l’Antenne, je ne vous autorise pas à y aller. Ils me répondent : « On ne risque rien, nos papiers sont parfaitement en règle. Je leur dis : « Vous semblez ignorer que la Gestapo et la Milice sont très actives en gare de Valence. Ils me répondent : « On partira par le train de 13 h 30 à Crest et l’on reviendra par le train de 18 h à Crest, nous passerons alors chez vous pour vous rassurer. »
Le soir à 18 h,… 19 h,… 20 h… etc. Pas de CANARD, pas de PERSOGLIO. Ma femme et moi passâmes par des heures cruciales. Le lendemain, j’allais voir CHAPOUTAT pour le mettre au courant. Il me dit : « Je m’en occupe ». Il contacta Mr. PLUMET, négociant en vins à Valence qui « grand résistant » avait réussi à pénétrer dans le milieu des hauts gradés nazis. C’est ainsi qu’il vint me dire : »Vos deux radios ont été arrêtés à leur arrivée à la gare de Valence et se trouvent à la Gestapo ». Les jours qui suivirent furent affreux pour nous. Au bout d’une semaine, ils firent leur réapparition. Très heureux de les revoir, je ne leur fis aucun reproche, mais j’eus beaucoup de mal à reconnaître Victor, tant il avait été maltraité par la Gestapo. Il avait fortement maigri, le visage tuméfié, complètement brisé. Ils réintégrèrent leurs abris. Le lendemain, je leur portais les messages codés qui s’étaient accumulés durant leur absence. Victor me dit alors : « Tu vas me traiter de « dégonflard », mais je n’en peux plus … J’ai besoin de repos pour me « regonfler », aussi je rentre chez moi à Toulon ». Je lui dis : »Je te comprends fort bien. Va te reposer! ». CANARD resta seul quelques jours, puis fut rappelé par le PC Central à Lyon pour être envoyé comme responsable d’un Centre d’Antenne d’une autre Région. Il fut immédiatement remplacé et le Centre d’Antenne continua sa marche en avant.
Voilà l’historique de la création du C.A. Drôme qui reste bien ancré dans ma mémoire malgré mes 94 ans.
PS : Voici l’organigramme du Centre d’Antenne de CREST :
SABATIER Alix pseudo Francis
CANARD Marcel pseudo Henri : radio
PERSOGLIO pseudo Victor : radio
JOLY Daniel pseudo Desbois : radio
ARSAC pseudo Emile : : radio
BRIAND René pseudo Guillaumin : radio
VADERS Charles pseudo Charly : liaisons
Liste des personnes ayant acceptées de nous servir d’abri Mr et Mme GRASSOT de CHABRILLON
Mr et Mme CHAREYRE de GRANE
Mrs et Mlle JULIEN de CHABRILLON (deux frères et une soeur, célibataires)
Mr et Mme BEAUMONT de GRANE
Mr et Mme GERANTON de MIRABEL et BLACONS
Mr et Mme FELIX de MIRABEL BLACONS (mes beaux-parents)
Mr et Mme BOUVIEN de SUZE sur CREST
Mr et Mme PERMINGEAT de SUZE sur CREST
Mr et Mme BOUVIER de DIVAJEU
Mr et Mme RESNIER de CREST
Mr et Mme BARTHELEMY d’AOUSTE sur SYE
Mr et Mme BERANGER d’AOUSTE sur SYE