FOUET Pierre
Chef des Opérations aériennes du Réseau GALLIA
FOUET Pierre né le 27 mars 1915 à Marsangy (Yonne)
marié – 2 enfants
Aspirant Aviation en 1940
Chef des Opérations aériennes du réseau GALLIA
Agent P2 – pseudo Cantal – immatriculé 07 200
Mon itinéraire de 1940 à 1943 :
« Démobilisé en 1940 (septembre), je rejoins Paris où je comptais reprendre mon affaire de commissionnage aux Halles de Paris. En arrivant, je m’accroche aux Halles avec les Allemands, je fuis les Halles et je contacte un nommé Ray des PTT lequel, par la suite, j’ai appris qu’il était un des principaux chef de la Résistance PTT, déporté en 1944 où il meurt.
Je rentre aux PTT comme manipulant postal pour être en permanence avec Ray. Voulant à tout prix partir pour l’Angleterre, Ray me donne un contact à Marseille pour voir Monsieur François, ex-Sénateur belge.
Je traverse la ligne de démarcation, j’arrive à Marseille et vois François. Ce dernier m’envoie à Cannes pour contacter dans une clinique (Beau-Soleil ou Bel-Air), je ne me souviens plus du nom exact ; une infirmière d’origine belge. Cette dernière me met en contact avec miss King de la rue Buttura à Cannes où je suis affecté aux liaisons. J’avais à faire directement entre Guy de Nillefargne et Havard Ingénierie Conseil du port de Toulon et avec Bret, propriétaire de l’hôtel des Anglais. J’allais quelques fois à Nice porter des plis pour Flavian à l’hôtel Atlantic.
Mais j’avais toujours l’idée de partir à Londres. Avec l’accord de Cannes, je pars à Marseille et organise mon départ pour l’Afrique de Nord, avec une trentaine de camarades. À l’aide de fausses permissions, nous embarquons en février 1941, après l’enregistrement officiel de ces permissions au Camp de Sainte-Marthe, pour la destination d’Oran.
Avant de partir de Marseille, Monsieur François m’avait donné un point de chute dans cette ville, à l’hôtel Continental, auprès d’un nommé Kada. Nous étions six au rendez-vous de ce dernier au Bar de l’hôtel Continental, quand survint la Police, laquelle nous a arrêtés sur le champ. Emmenés au « violon », après interrogatoire, ils n’arrivèrent à rien sortir de nous, leur déclarant que nous étions en permission régulière et que nous n’avions jamais donné rendez-vous à Kada. Ils nous mirent en liberté avec l’interdiction de quitter la ville, ce que l’on s’empressa de faire le lendemain matin à la première heure pour le Maroc via Oujda(?) et Casablanca.
J’avais un autre contact chez un docteur tchèque, un nommé Diamant, qui habitait Cours de la Liberté à Casablanca. J’allais donc voir ce dernier, mais une peur bleue était peinte sur son visage. J’en attrapais peur moi-même et m’empressais de partir. Nous décidâmes de repartir à trois (Lambon, Mérantier et moi) sur la frontière du Maroc espagnol à Berkane près de Oujda, pour passer sur Melilla où à cet endroit, le Consul anglais nous aurait fait embarquer sur le bateau qui ravitaillait le Consulat. D’ailleurs, tous les camarades avaient suivi le chemin de la frontière, pour la passer sur différents points.
Malheureusement, la Moulouya était en crue à cet endroit depuis 24 heures où c’était Zone Interdite. Les Marocains nous accueillirent et nous emmenèrent à la gendarmerie de Berkane, transférés à Oujda à la caserne des Tirailleurs, car nous soutenions que nous étions des militaires vrais, donc ils nous traitaient en militaires aux arrêts de rigueur. Interrogés par la Sureté et voyant que nous étions militaires, ils nous remirent de nouveau entre les mains des militaires.
Interrogés par le 2e Bureau de Vichy, ne pouvant rien tirer de nous, nous avons attendu aux arrêts de rigueur immédiatement entre les mains de la Sureté de Vichy à Oujda.
Pendant trois jours, un commissaire et sept inspecteurs nous interrogèrent et nous torturèrent, pour savoir d’où nous venions ? Par quels moyens ? Pour quoi faire ? Le nom et l’adresse des personnes avec lesquelles nous avions été et étions en contact ? Ils voulaient nous faire dire que nous avions essayé de passer la frontière pour rejoindre le Général de Gaulle, etc …
Nous avons subi, séparément, un interrogatoire serré ; un interrogeait, l’autre, reprenait, etc… Après 48 heures, voyant qu’à coups de poings, de pieds, d’insultes, ils ne pouvaient arriver au résultat, ils nous torturèrent ! Un de nous trois, Lambon, est resté 8 heures pendu par les bras et a avoué partir pour l’Angleterre et être venu en Afrique avec une fausse permission, mais que l’on ne connaissait personne. Mérantier, ancien pilote de ligne a eu les brodequins(1) et a avoué. Moi-même, j’ai eu les brodequins et à force de souffrances atroces, j’ai avoué la même chose que Lambon.
J’ai « tenu » à cette torture pendant une journée, d’ailleurs mes pieds portent de nombreuses traces d’écrasement des plaquettes de serrage ; la plante des pieds est complètement affaissée, les os déformés et cassés et la cheville droite intérieure descendue, ce qui fait deux chevilles : je suis « renforcé » … bref !
Transféré à la prison civile de Oujda, de Fez, puis de Meknès où j’étais avec :
– Morisson, adjudant pilote R.A.F.,
– Michel Brunswick, actuellement capitaine pilote à Meknès,
– Boub, ancien pilote de Normandie-Niémen,
– Rey ancien pilote du Normandie, tué,
– Hubert Broways, ancien du BCRA,
– Pasquouet, ancien du BCRA., fusillé,
– Giglioti, ancien observateur (capitaine) R.A.F., tué,
– Lebihan, ancien du BCRA, chargé de 1er commandant,
– Claude Alain, femme d’un Colonel de Vichy, etc…
Nous sommes passés devant la Cour martiale à Meknès en compagnie de Lambon, Mérantier, Broways, Brinswick, Boub, Claude Alain, Morisson etc … et condamnés aux travaux forcés.
Je fus hospitalisé à Meknès, à l’hôpital Saint Louis à cause de mes pieds, car je ne pouvais plus marcher et en même temps pour une jaunisse infectieuse et début de typhus. (À ma guérison, je pesais 37 kgs). Libéré par les Américains, le 9 novembre 1942, j’arrivai en Angle-terre en décembre 1942.
Rentré au BCRA, après deux mois de convalescence, je fus intégré au réseau GALLIA, en septembre 1943, comme chef radio, ensuite chef des Opérations Aériennes du réseau GALLIA… »
Source : extrait d’une lettre de Fouet Pierre, 1946 adressée à son Chef de Réseau.
(1) La torture des brodequins fut utilisée en France jusqu’en 1780 pour soutirer des aveux. Inscrite dans le système judiciaire du Moyen Âge et de l’Ancien Régime, ils étaient conçus pour broyer les jambes. Les blessures étaient souvent si sévères que les os éclataient. – source : Wikipédia